> CHAPITRE 7 < LE SURVIVANT

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“Je préfère mille fois rêver d’un cauchemar que d’incuber un rêve.”
“Les adultes transforment les rêves en cauchemars et les maintiennent en vie lorsqu’ils sont éveillés.”
“Les pires cauchemars sont ceux que l’on fait les yeux ouverts.”
“Je ne consomme pas de drogue, mes rêves sont assez terrifiants.”

Bonsoir “dutturissa” , à la semaine prochaine “allura”.

Alessio Bertrand salua le psychiatre et sortit en fermant la porte du cabinet médical. La spécialiste des maladies mentales s’assit à sa place devant le bureau et regarda, devant elle, la chaise abandonnée par son patient.
Il pensa à l’un des nombreux cauchemars racontés par le survivant, le plus fréquent. Il l’a retravaillé dans sa tête, essayant de mettre de l’ordre, dans la mesure du possible, aussi parce que la langue de Bertrand était très dialectale et balbutiante :

– Je me souviens “dutturissa” que dans le rêve je dormais et je me suis réveillé en entendant: “May-day May-day May-day! Moby Prince Moby Prince May-day May-day May-day Moby Prince nous sommes en collision …” et puis je me suis réveillé en sursaut. Je suis sorti du lit et je me suis retrouvé à marcher sur l’eau rouge, rouge sang de la mer. Je me suis évanoui et puis je suis tombé sur le lit. Je n’ai pas compris dans le cauchemar où j’étais. Le lit était chaud, très chaud, je transpirais et sentais très fort la merde mélangée brûlée. Et puis de nouveau je me suis réveillé en me disant : “nous nous heurtons nous prenons feu… nous nous heurtons nous prenons feu !” Et alors je me suis levé et je me suis retrouvé à marcher sur l’eau de la mer qui s’est transformée en glace. Une vapeur enveloppante s’est élevée d’en bas et je n’ai rien vu. Je criais de terreur mais il n’y avait personne qui pouvait m’entendre. À un certain point Je me sentais mouillé par le liquide qui venait d’en haut. C’était épais. Je me couvrais la tête avec mes mains mais c’était trop, je ne pouvais pas m’abriter. J’ai regardé mes mains et elles étaient très noires, le liquide était du pétrole ! Je Je me suis retourné et j’ai vu un grand navire et le carburant brut qui s’échappait de l’entaille de son flanc. Soudain, j’ai réalisé que j’étais sur le Moby Prince qui s’accrochait au pétrolier Agip Abruzzo.
Les plaques ont continué à se frotter les unes contre les autres provoquant des étincelles qui ont allumé le feu.

J’ai vu mon Commandant Chessa, désespéré, qui organisait le regroupement de tout l’équipage dans une seule pièce.
Vous ne pouviez bouger nulle part car il y avait des flammes partout.
Je suis donc descendu sur le pont-garage à l’arrière avec d’autres compagnons, mais vu la situation j’ai décidé de remonter vers le carré, en passant par les cabines passagers qui faisaient des allers-retours effrayés. J’ai essayé d’ouvrir une porte et je n’ai pas pu, jusqu’à ce qu’elle s’ouvre finalement et que je sois à l’air libre.
Mais ensuite je me suis rendormi et je me suis réveillé. Je n’ai pas eu le courage de sortir du lit, car il y avait des gens qui pleuraient des larmes de sang et ils étaient tout autour de moi. Deux petites filles me parlaient et leur voix était adulte :
“Tu étais un lâche, tu t’es enfui et nous a laissé mourir comme des sorcières sur la potence. Mais nous ne méritions pas de mourir comme ça.”
Puis les 2 petites filles se sont mises à crier à tue-tête et je n’ai pas pu supporter leur douleur. De la vapeur et du feu sortaient également de leur bouche.
À un moment donné, mon lit a pris feu et je n’ai pas pu me lever jusqu’à ce que le cauchemar se termine enfin.

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